PHILOSOPHIE D/S

Massothérapie Et BDSM

Par Jago

 

Très tôt dans ma vie s'est révélée mon orientation BDSM.

Voici deux souvenirs à ce propos :

1) C'est l'automne, je descends dans la cave où sont entreposés des outils de jardin et des plantes. L'odeur végétale et l'humidité m'excitent. Je dénude le haut de mon corps. Je prends une faucille, l'approche de mon thorax et en pose le tranchant contre ma peau. Le contraste entre la douceur de ma peau et la froideur du métal me procure une vive émotion.

2) J'ai le même âge, Vendredi soir, c'est le moment de mon bain hebdomadaire. Je m'enferme dans la salle de bain, personne ne viendra me déranger. Je fais couler l'eau dans le bain, seulement le robinet d'eau chaude. Et je commence ma mise en scène imaginative : Je suis leur prisonnier. J'ai été condamné à être humilié et torturé publiquement, comme les Chrétiens de l'Antiquité romaine jetés dans l'arène. On m'ordonne de me déshabiller. Tremblant de peur, j'enlève chemise et pantalon. On me demande d'enlever aussi mon slip. Je me retrouve nu et vulnérable devant la foule. On me fait mettre à genoux et on m'attache les mains. À la perspective du supplice qui m'attend, être plongé vivant dans l'eau bouillante, je supplie mes boureaux et implore leur pitié. Mais ils sont intraitables et jouissent de ma souffrance. Pire, ils m'écartent les jambes et me positionnent dans le bain pour que l'eau du robinet coule directement sur mes organes les plus sensibles.

Durant des années, j'ai refait ce scénario avec toutes sortes de variantes, jusqu'à l'adolescence. Puis j'ai oublié tout cela, attiré par d'autres activités érotiques. Durant toute une partie de ma vie adulte, je n'ai pas fait le lien entre ces fantasmes de mon enfance et le sado-masochisme auquel je ne m'identifiais pas.

C'est par l'entremise de la massothérapie, que j'ai (re)découvert mon intérêt pour le BDSM, sa saveur, son charme et sa subtilité, en tant que dominant cette fois-ci. J'ai appris la massothérapie il y 20 ans et je l'exerce professionnellement depuis. Il faut dire qu'il y a une dimension de domination et de soumission dans la relation entre masseur et patient, impliquant intimité et confiance. La personne massée ressent le besoin et l'excitation de se laisser aller nu(e) entre les mains du masseur, de se sentir touché, de s'abandonner à l'autre. Ceux qui se font masser souvent n'aiment pas le massage-flattage qu'ils trouvent mièvre et préfèrent un massage vigoureux, profond, avec intensité d'énergie, qui se rapproche de l'étreinte. De mon côté, en tant que masseur, j'ai le mandat et le pouvoir de répondre à ce besoin, de «prendre» le corps de l'autre. En massothérapie, la sensualité est toujours présente d'une manière ou d'une autre mais il y a aussi des limites à respecter, qui peuvent varier beaucoup d'une personne à l'autre.

C'est une cliente en massothérapie qui m'a ramené doucement au BDSM il y a bientôt sept ans. J'en garde un souvenir ému et l'en remercie encore ! À cette époque, je recevais chaque semaine P., une femme de 45 ans, pour une séance de massage.

Un jour, elle appporta un bandeau pour les yeux, comme ceux qu'on met pour voyager en avion. Cela m'aide à me détendre, dit-elle en me demandant de le lui mettre en début de séance. Ensuite, prétextant des tensions musculaires, elle m'incita à lui faire des pressions shiatsu de plus en plus fortes sur le dos, les fesses et les cuisses. Cela lui tirait des gémissements qui m'excitaient au plus haut point mais aussi des mouvements brusques des jambes et des bras qui m'atteignaient parfois.
Une fois, elle dit en riant: Il faudrait presque m'attacher ! Je pris cela à la blague. N'empêche que, la semaine suivante, à son arrivée, elle sortit de son sac quatre bracelets en velcro munis d'anneaux ainsi que des cordelettes: Avec ça, vous pouvez m'attacher les poignets et les chevilles à la table de massage. Vous pourrez alors travailler sans risquer de recevoir un coup de poing ou un coup de pied... Ce fut un moment crucial. Pendant une seconde, je l'ai regardée d'un drôle d'air, mais l'excitation fulgurante que j'ai ressentie alors a balayé mes réticences. Choisissant la voie de la complicité je dis: Ce n'est plus tout-à-fait du massage! Elle: Non, vous avez raison, mais c'est le fun en maudit !

Bien sûr, lors des séances suivantes, nous avons pratiqué plusieurs jeux de domination et de soumission, incluant des scénarios, mais toujours dans le contexte du massage. Nous avons aussi instauré un code de sécurité, inspiré des feux de circulation : vert, jaune, rouge (j'en reparlerai dans un prochain article). P. avait aussi ses limites, la principale étant de ne pas laisser de marques sur le corps, ce qui est facile à respecter en massage.

Je connus dans ces jeux tellement de plaisir que j'en vins à lui proposer de la recevoir gratuitement, comme une copine. Elle refusa et m'expliqua pourquoi: Je suis mariée avec un gars que j'aime et avec qui je veux continuer ma vie même s'il ne comprend rien à mon besoin de soumission et de douleur. Si je venais te voir «en copine» comme tu dis, j'aurais l'impression de le tromper lui et d'être obligé envers toi. Je préfère donc te payer et me sentir quitte envers toi. Comme ça, je viens te voir quand j'ai envie, mon besoin est satisfait et je peux compter sur ta discrétion.

Le contrat était clair et a régi nos rencontres par la suite, jusqu'à ce qu'elle quitte pour l'Europe, deux ans plus tard.
(à suivre)

 

© THE BDSM CIRCLE / LE CERCLE BDSM 2005