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« Et pourquoi Aramis est-il
sur ce monde, s’aventure t’il sur notre territoire? »
Milène demanda, prenant soin de garder la hargne hors de sa voix.
La femme assise avec le groupe de coordination
provenait du harem d’Aramis. Une ennemie.
« Nous ne le savons pas.
Nous avons tenté de l’en dissuader, mais il y a quelque chose
sur ce monde qui a piqué sa curiosité, éveillé
son intérêt. Ça doit être important. Nous ne
pensons pas que cela ait directement à voir avec Arkann, même
s’il prend des précautions contre son frère jumeau.
Aramis est vulnérable, ici. Si Arkann l’apprend… »
Personne n’aimait l’idée.
Pas du tout. Si Arkann apprenait l’invasion de ce qui était
son territoire… la vieille guerre serait ravivée, brûlerait
de tous ses feux. Deux mâles de force et avantages équivalents
qui se battaient avaient plus de chance de laisser deux précieux
mâles morts qu’un seul.
« Ton Aramis n’a pas
sa place ici. C’est à vous de réparer ce gâchis, »
lui dit Milène.
La femme se raidit, « dois-je
remettre sur le tapis ces fois où votre Arkann a causé des
désagréments à mon harem? » Un sourire
cruel, « dois-je parler du massacre que votre Arkann a fait
au travers des siècles? Ou bien allons nous parler de solutions? »
Les deux harems se détestaient
mutuellement. Ça n’empêchait personne de coopérer
sur les choses importantes. Les mâles savaient que de tels contacts
existaient… mais il était espéré qu’ils
ne savaient pas à quel point les harems avaient une influence sur
tout ce qui était important, comment les femmes unissaient leur
pouvoir pour les influencer discrètement, une étincelle
de pouvoir utilisée ça et la, dans la plus demandante des
magies.
« Arkann est le meilleur
mâle, le plus sournois, retors et dangereux. C’est pourquoi
il nous est difficile de le contrôler, plus difficile que cette
tâche l’est pour votre Aramis. » L’autre femme
frémissait de fureur, mais ce genre d’insulte était
monnaie courante. « Parlons de solutions, » Milène
répondit, contente d’avoir frappé un peu. Trop longtemps,
le harem d’Aramis avait pris le harem d’Arkann de haut. Il était
temps pour elles de se faire mettre le nez dedans. Cela ferait grand bien
pour leur humilité.
**
Arkann était irrité.
Pire encore, il ne pouvait rien laisser paraître. Une envoyée
du harem d’Aramis avait visité. Les femmes de son harem ne
savaient pas qu’il était conscient de cette visite. Il ne
savait pas grand-chose, incapable d’espionner leur réunion
sans qu’elles en soient conscientes. Mais Milène et les autres
conspiratrices avaient semblé avoir un air suffisant –indiquant
que le harem d’Aramis était en faute- et inquiètes
–indiquant qu’Aramis complotait, et que ce complot visait Arkann-.
Ici, dans la capitale de la Reine de
Marsalis, il se sentait exposé, loin de ses meilleures défenses.
Il détestait ne pas savoir. Ce soir, il irait se nourrir, causerait
des cauchemars dans les rêves de gens influents, afin d’extraire
ces secrets finement gardés qui pourraient peut-être le mettre
sur la trace des agents d’Aramis, qui devaient sûrement être
impliqués. Et puis il y avait son réseau d’agents.
Marsalis avait longtemps été une nation excitant sa convoitise,
cette nation qui avait forcé son repli lors d’une lointaine
guerre.
« Vous allez avoir fière
allure, votre Grâce, » lui dit le Maître-Tailleur.
Les contraintes d’une marche rapide l’avaient forcé à
faire des choix. L’un de ces choix avait été de ne
pas partir avec son uniforme d’apparat. Un choix qu’il regrettait,
maintenant. Il devait souffrir les demandes légitimes du tailleur.
Pire encore, il n’était
pas seul. Les femmes du harem avaient des besoins similaires. Ce n’était
pas la dépense très élevée, mais les escarmouches
constantes qu’il devait endurer, chacune des femmes voulant avoir
_le_ meilleur tailleur, avoir leurs beaux vêtements avant les autres.
Toutes des chipies, et elles venaient le forcer à « arbitrer »…
il détestait cela au plus haut point. Comme elles le faisaient
toutes –une manière pour elles d’exprimer leur colère
à ce mariage qui semblerait donner des droits qu’elles n’auraient
pas à une simple Auxiliaire-, il ne pouvait discipliner personne
sans les discipliner toutes. L’un de ces moments de la vie qu’il
n’avait autre choix que d’endurer.
**
Ney était de retour. Un officier
très compétent. Important pour un homme de cavalerie, il
était sans peur. Il portait encore toute la poussière du
voyage. Arkann l’avait chargé d’annihiler les unités
de mercenaires qui avaient survécu le choc de la bataille auquel
lui et son harem avait pris part.
Les nouvelles étaient surprenantes.
Ney et ses hommes avaient éliminé toutes les compagnies.
Jamais plus une compagnie de mercenaires n’oserait élever
sa bannière lorsque celle de Valan flottait parmi les forces ennemies.
Il avait éliminé toutes les compagnies… sauf une :
les hallebardiers Murinois. Une poignée d’arbalétriers
Tennois avaient trouvé refuge parmi leurs rangs. Malgré
les ordres et ses efforts –et les pertes!-, Ney avait été
incapable de les détruire.
Ney était un soldat d’expérience,
avec des officiers compétents, des soldats aguerris, les meilleurs
chevaux et les meilleurs équipements. Qu’il n’ait pas
réussi à détruire l’ennemi était très
significatif. Sa description des manœuvres désespérées
–et efficaces- du commandant ennemi montrait un commandant hors pair
presque capable de deviner chaque mouvement de son opposant avant que
celui-ci ne les fasse. Ney était fiable. Il avait fait une présentation
honnête, même s’il s’attendait à être
puni. Les pertes avaient été… lourdes.
« Merci. Informe toi sur
ce Capitaine de mercenaires. Tu peux disposer. Félicite tes hommes
pour leur travail. J’irai les voir dans les jours qui viennent. »
Ney était surpris, mais s’en
alla, soulagé. Il n’avait pas la plus grande imagination,
il n’était pas tordu comme certains de ses officiers, mais
il était compétent, avait fait de son mieux, avait trouvé
meilleur que lui. Pas grave. Très intéressant.
**
Elles étaient belles, ses juments,
dans leurs plus beaux autours, furieuses, suintant la méchanceté
et la hargne, radiant leur mécontentement. Arkann en avait des
frémissements d’excitation, et quelques sueurs froides. La
désapprobation du harem était intense, et il y avait cette
acrimonie qui perdurait, conséquence des récentes révélations.
Cette situation allait continuer pour un temps, inévitablement.
Il savourait leur rage impuissante. Elles l’avaient poussé
très loin, aussi loin que possible, et ne pouvaient contrer sa
volonté sans conséquences graves, se voyaient limitées
à une guérilla larvée et inefficace.
Astarté avait planifié
son coup depuis des siècles, patiemment. Ce bâtiment était
vieux... mais beau, impressionnant. Une petite estrade centrale, entourée
de gradins, illuminée par des milliers de chandelles. Assises au
premier rang, les femmes du harem. Puis venaient les ministres d’Astarté,
les Ambassadeurs, les hauts fonctionnaires de son gouvernement. Puis,
tous ceux ayant de l’influence, de l’argent, un nom, ou une
autre manière pour se gagner un siège de choix. Au fond,
la vulgaire plèbe. Au travers de cette foule silencieuse, la garde
d’Astarté, sa police, afin de s’assurer que personne
ne vienne troubler l’ordre de ce moment qu’elle préparait
depuis si longtemps. Avec une telle patience, un tel esprit calculateur,
elle ferait bientôt partie de mon harem. Elle n’y aurait aucune
amie, pas après ceci, pas après cette mise en scène
qui l’assurait d’un dépucelage comme aucune d’elle
n’avait connue. Des milliers de témoins.
Je savais que le harem était
à l’œuvre pour tenter de troubler ce moment, influencer
la perception des gens, que le harem s’en donnerait à cœur
joie dans les jours à venir, unifié contre cette petite
auxiliaire qui osait s’adjuger un droit qu’aucune du harem ne
possédait. La hargne qu’elles me vouaient trouverait libre
expression contre Astarté. Astarté, qui avait su il y avait
des siècles qu’il en serait ainsi, avait tout planifié,
méticuleusement. Contre des siècles de magie préparée
pour ce moment… le harem ne trouverait pas aisément le succès.
Pas aujourd’hui, ni demain.
Une excitation fébrile –mais
contenue- régnait dans la foule, une atmosphère électrique.
Ils savaient ce qui venait. Astarté avait conditionné son
peuple, bâti des coutumes… et puis il y avait cette magie subtile
qui habitait ce lieu.
« Je vous déclare
mari et femme, » le maître des cérémonies
annonça de sa voix plaisante qui portait loin. A ma droite, Astarté,
dont le sourire éclatant ne pouvait devenir plus grand, toute heureuse,
surexcitée. Astarté, Reine de Glace, qui ne souriait jamais,
ne montrait jamais aucune émotion.
Elle était… radieuse. Elle
était lumineuse, dans sa délicate, longue robe blanche,
une certaine magie imprégnée dans la robe, attirant tous
les regards. Arkann était un peu terne, en comparaison, dans son
uniforme d’apparat. Il la tira à lui, fermement, mais doucement.
Un baiser, qu’il voulait long et langoureux, mais elle ne pouvait
plus attendre, après toutes ces années, et ce qui devait
être une embrassade paresseuse devint rapidement une chose féroce
et impérieuse.
Il était amusé, répondant
avec autant de passion… mais jouant avec elle sans rien laisser paraître.
Elle ne s’en rendait pas compte, tant elle était perdue dans
ces sensations qu’elle découvrait, tenue fort contre lui,
ses mains la touchant, la caressant, au travers du fin tissu de sa robe.
Depuis des semaines elle savait que ce soir viendrait. Des semaines, à
anticiper, avec peu de choses d’autres que ses mains pour calmer
ses ardeurs, alors que lui avait un harem entier, aussi malveillant puisse-t’il
être.
Il la sentait vibrer, réagir,
perdre le contrôle. Elle frissonnait, se frottait contre lui…
« Arkann… »
elle dit, d’une voix étranglée. L’atmosphère
était trop chargée. Même lui n’arrivait plus
à contenir l’effet de milliers d’âmes profondément
aguichées, le monde des rêves brûlant autour d’eux.
Pour les femmes du harem, c’était encore pire…
Il la prit dans ses bras, puis la déposa
sur la nappe blanche couvrant le large autel de pierre. Son ennemie. Celle
qui avait réussi à contrer ses armées, à le
faire battre en retraite, maintenant offerte à lui. Combien de
fois avait-il rêvé d’attaquer son pays à nouveau,
à défaire ses armées, à conquérir ses
villes… et de s’imposer à elle? Il ne pourrait maintenant
jamais assouvir ce puissant désir, pas par le fait de ses armes,
mais elle n’en était pas moins à lui, corps et âme.
Il la joignit sur l’autel, défaisant
l’avant de son pantalon, et libéra son membre tumescent, se
coucha sur elle, jambes entre les cuisses ouvertes de cette vierge si
longtemps défiante. La robe blanche entre eux, le soyeux tissus
caressant la chair trépidante de cette pucelle assoiffée
de sensations. Un autre baiser. Il prenait son temps, lui laissait sentir
son lourd pénis au travers de la maigre protection de sa robe.
Il l’écrasait de son poids, alors que dans le monde des rêves,
il lui caressait l’esprit, la laissait le voir dans toute sa gloire
animale.
Elle n’en pouvait plus, ses hanches
montant à la rencontre des siennes, son pubis se frottant avec
un grand besoin contre cette érection qui se laissait désirer.
Elle n’en pouvait plus. Jouissait-elle? Était-elle juste au
bord? Si puissantes ses sensations, cette anticipation, l’effet de
l’audience regardant avidement… qu’elle-même n’en
était plus certaine.
Et puis ce moment, ce moment si longtemps
attendu et désiré. Ce moment, bref, violent, ou Arkann laissa
tomber les rennes retenant son corps, la pénétra au travers
du fragile tissu d’un vif coup de reins, le déchirant…
la déchirant, versant son sang… Et en cet instant, de par
la magie d’Astarté, toutes les cloches de la ville, du royaume,
retentirent en même temps, laissant savoir à tous que la
Pucelle de Marsalis… ne l’était plus.
La
Licorne
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