Histoires Des Invités

 

Le Loup 4

Par Arkann

 

Couché dans la boue fétide sous un buisson touffu, je regardais les chasseresses chercher, leur exaspération visible dans leur langage corporel. Un duo. La poursuite avait fait beaucoup de bruit, et plusieurs autres convergeaient lentement, tentant de me débusquer avant les autres.

Affaibli, transi par la boue froide, ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un ne me trouve. À moins que…

Les chasseresses qui les premières m’avaient poursuivi étaient loin d’être heureuses que la compétition ne se pointe. Elles tentaient d’éloigner celles qui étaient venu voir. Quelques gros mots bien sentis. Pas de bousculade. Mais assez pour détourner l’attention.

Il était certain que sortir de ma cachette signifiait la capture. Mais elles sauraient qu’elles avaient été distraites, s’imagineraient peut-être que je m’étais glissé hors de leur filet. Elles étaient toutes méticuleuses : aucune chasseresse de ce club exclusif ne pouvait se permettre l’erreur. La compétition était trop féroce, les enjeux trop grands.

Au moins, elles ne pouvaient utiliser leur odorat. Elles quadrillaient la zone, s’approchaient de moi. Seul ma tête dépassait. Le moment venu, seul mon museau le ferait. Mon corps cherchait à frissonner, mais je ne le lui permettais pas.

Un très léger bruit. Une souris. Elle avait un bâton, travaillait les roseaux bordant la berge, l’enfonçant dans la vase, elle-même marchant dans la boue jusqu’aux genoux. Elle espérait. Elle ne faisait équipe avec personne, ce qui était suspicieux lorsque parmi les espèces de petites tailles. Sa seule arme était un bola. Je l’observais, du coin de l’œil, se rapprochant lentement. Elle avait ce port que ceux qui pratiquaient les arts martiaux avaient souvent… Une souris contre un loup? Nul doute de nombreux males s’étaient-ils fait avoir en la sous-estimant.

Son langage corporel la trahissait. Elle regardait dans ma direction. Pas qu’elle m’avait vu, mais elle savait que si j’étais dans son coin, c’était la où j’étais que je me trouverais. Je vis comment elle changea sa position. Une position qui lui permettrait de bien utiliser son arme si je m’élançais. Ça ne se passerait pas ainsi.

De longues minutes, puis elle était dans mon coin immédiat. Avec son approche méthodique, elle allait certainement me trouver. Mes pieds avaient une prise solide. Au moment opportun…

Son pied me frappa le museau, mais sans que cela soit un choc violent. Elle était alerte, mais la surprise était tout de même pour moi. Mon épaule droite la frappa à la poitrine assez violemment. Elle savait se battre, me donna un deuxième coup, mais il ne porta pas solidement. Trois secondes, et je courais.

Malheureusement, les autres étaient alertes. Et la poursuite recommença. Tapis dans la pénombre des arbres, une panthère s’était postée en embuscade. Je la vis du coin d’un oeil, courant, sautant de branche en branche, tentant de m’intercepter. Elle n’y parviendrait pas. Un son distinctif : bola. Un bond, et les trois lanières de l’arme manquèrent mes jambes par très peu, frappant un petit tronc d’arbre, les poids aux extrémités la faisant s’enrouler violemment autour du bois. Seuls les personnes certifiées avaient le droit de porter une telle arme, car il était trop facile de blesser gravement ou même tuer. Elles étaient rares les chasses ou un mâle ne sortait pas de la forêt sur une civière.

Un rugissement de dépit, provenant de la panthère.

Je courais vite, sans égard au bruit. J’avais arpenté mon territoire, je le connaissais, je savais ou j’arriverais à perdre ma poursuite. Mais j’allais avoir besoin d’une bonne distance pour arriver à me cacher à nouveau. Malheureusement, après trois jours de chasse, sans manger, presque sans sommeil, j’étais exténué. J’entendais les bruits de d’autres chasseresses, tentant d’intercepter la source des sons…

Une brebis émergea, en courant, des ombres à ma droite. Elle était plus surprise que je ne l’étais, et mon épaule l’envoya rouler sous un buisson, complètement sonnée. Cent mètres, puis un changement de direction pour éviter une source de sons en avant. Probablement une jument, ou une créature aussi corpulente. Tenter de culbuter une jument ou une ourse aurait été futile.

D’autres sons en avant. Pas de choix. Un arrêt. Demi-tour. Une charge, plus silencieuse. Avec un peu de chance, celles qui convergeaient penseraient que j’étais caché, ou me mélangeraient avec celles qui me poursuivaient.

Mon plan était de revenir sur mes pas, puis de me cacher, laisser passer mes poursuivantes, et me faufiler derrière elles… J’y parvins presque. Le duo de lapines avait été trop rapide. Elles étaient armées de bâtons de combat, les bouts plus large, couverts de rembourrage. Pas moyen de les éviter, de les contourner. Elles savaient faire usage de leurs armes. J’étais lourd, solide…

Un premier coup dur, un deuxième, un troisième. Les deux premiers, parés par mes bras. Le troisième frappant une cuisse de manière très douloureuse. Une des lapines, encaissa un de mes coups de poing, hors de combat pour quelques instants. L’autre, soudainement seule, m’asséna un coup violent dans les côtes. Un bout rembourré. Je sentais sa frustration. Je savais que si elle avait fait usage d’un des multiples coups non réglementaire, elle aurait gagné. Dommage pour elle. Un coup de coude, un coup de genoux, et je passai. Boitant, un bras pendant, gravement ralenti.

Une ombre noire surgie de nulle part, d’en haut, perçue bien trop tard. La panthère, fondant sur moi. Plaqué durement au sol, le souffle coupé, sonné… quelques coups défensifs sans vigueur… et la sensation de ses dents autour de ma gorge. Je signalai ma reddition. Elle ronronnait bruyamment, O combien heureuse, d’une joie qui dépassait le simple fait de sa victoire. Elle venait de se taper un loup, et la rivalité entre les félins et les loups avaient des racines historiques qui remontaient à Ikel, qui avait été le premier Empereur.

« Bonjour, le loup, » elle me dit, d’un ton narquois. « Devrais je te marquer comme vous les loups marquez vos proies? » Dans la pénombre, je ne pouvais voir que ses yeux, ses dents. Elle ronronnait, souriait à pleines dents.

J’étais sonné. Je ne répondis pas. Elle m’inspecta, pour m’assurer que je n’avais pas de blessure sérieuse. Un mâle avait droit à presque tous les coups dans sa fuite, en autant qu’il ne cause aucune blessure qu’un séjour modéré à l’hôpital ne pouvait régler. Les chasseresses, elles, étaient beaucoup plus limitées. Si un mâle devait faire un séjour à l’hôpital, il y avait de graves conséquences. C’était un jeu dangereux ou le risque d’un accident ne pouvait être écarté.

Elle m’aida à me lever, me supporta. Le duo de lapines nous regardaient, impuissantes, démontrant une profonde frustration; c’étaient elles qui m’avaient débusqué, initialement. Elles avaient fait tout le travail. Ainsi était la chasse.

La panthère était forte. Je boitais beaucoup, j’étais amoché. Elle était courtoise, s’assura de mon confort. Un échange de nom. Son plaisir fut très grand lorsque je lui dis que c’était ma première capture depuis le début de cette chasse, ce qui faisait de moi une proie particulièrement difficile… et donc de grande valeur. Les calculs permettant d’assigner une valeur à une prise étaient complexes, prenaient en compte les espèces respectives, le nombre de chasseresses chassant ensemble, les armes utilisées, la « valeur » particulière du mâle, et plusieurs autres facteurs.

La panthère m’accompagna au camp de base, ou l’enregistrement de la « prise » fut fait. Elle me donna un bec chaste sur une joue, avant de disparaître à nouveau dans la forêt, avec le faible espoir d’attraper un autre mâle dans le peu de temps qu’il lui restait.

Pour ma part, on ne me laissa pas retourner en forêt. « Trop tard, Citoyen. Nos remerciements pour votre prestance remarquable. Être attrapé une seule fois lors d’une première chasse avec nous, c’est rare. Allez manger, vous mettre au chaud, vous laver. Il ne reste qu’une heure. »

Une bonne et longue douche chaude. Ça retapait un loup. Un pagne propre. De la nourriture chaude. La compagnie de d’autres mâles qui venaient de se faire retirer de la chasse. Des mâles solides, souvent vieux, souvent marqués de cicatrices. De chasse? De guerre? Pour certaines, la réponse était évidente. Pour le reste, il fallait demander, ce qui était une bonne manière de commencer une conversation.

Bientôt, une sirène lança son lugubre chant au travers de la forêt, annonçant la fin de la chasse, l’appel au retour.

Assis sur une chaise de patio, buvant une bière méritée, nous observions le retour. Les chasseresses qui sortaient de la forêt, certaines emmenant un mâle, la plupart revenant bredouilles. Certaines avaient clairement eu maille à partir avec plus fort qu’elles. Et puis il y avait les « proies », les mâles qui eux aussi revenaient. Beaucoup étaient mal en point après trois jours. L’un d’eux revenait sur une civière improvisée, une jambe clairement cassée, et deux chasseresses au visage sombre le transportant. Deux longues heures pour laisser à tous la chance de s’en remettre, de soigner un peu sa présentation. À dix heures précises, tous se retrouvèrent dans la clairière centrale, ou deux grands feux brûlaient. Assises sur le sol de l’autre coté de la clairière étaient les soixante chasseresses qui avaient participé, en ordre de mérite.

Nous avancions en file, les mâles n’ayant pas été capturés menant les autres. Il n’y en avait que trois, et j’étais juste en arrière d’eux. Parmi les meilleurs de ceux qui étaient déjà suffisamment excellent pour se mériter une invitation par ce club exclusif. Excitant.

On appela le nom des mâles, un à un, pour que chacun prenne la place qui lui était assigné. Il y avait beaucoup d’yeux sur moi. Avec la rareté des loups mâles…

Une fois tout le monde assis, la doyenne émérite du club s’avança au milieu de la clairière, les lueurs des feux caressant le pelage de la tigresse. D’une voix puissante mais calme, elle nomma les chasseresses qui avaient le mieux fait, énumérant leurs prises. « Ma » panthère était parmi les meilleures, ma capture l’ayant certainement aidée.

Des soixante, les trente premières allaient pouvoir participer, alors que les autres allaient devoir se contenter de regarder. Des trente meilleures, seules les dix premières recevraient une marque de chasse sur leur épinglette et obtiendraient, pour l’année, le droit de procréer, si tel était leur désir. Les mâles faisaient face à des périls pouvant les tuer, et c’était la manière que les femelles avaient pour appliquer leur version du Darwinisme. Chaque club avait ses règles, approuvées par le Ministère de la Chasse. Dans le cas des Chasseresses du Bois Bleu, la marque sur l’épinglette contenait une barre au milieu pour indiquer leur mérite particulier, l’un des deux seuls clubs ayant ce droit.

Puis vint l’appel de celles qui n’avaient rien capturé. Un avertissement. Puis ce fut le tour de celles qui avaient échoué dans les chasses précédentes auxquelles elles avaient participé… et qui se trouvaient maintenant exclues, reléguées à des clubs moins prestigieux. Et finalement, les deux, qui avaient cassé une jambe à l’un des mâles, et se trouvaient maintenant bannies du club, pour toujours. Une marque noire irait sur leur épinglette. Elles se levèrent, prirent leurs effets, et quittèrent.

La tigresse promit un long discours –une menace qui tira beaucoup de rires- mais garda celui-ci au strict minimum. À la fin de celui-ci, elle se retira, et la première chasseresse se leva. Une renarde des sables, ses grandes oreilles tenues haut. Une espèce qui savait garder ses secrets, de peu de mots. Sans un bruit, elle s’avança, choisit son partenaire, un mâle se retrouvant en milieu de groupe, ce qui était un peu surprenant, mais son droit.

Puis la deuxième, et elle choisit le premier mâle. La troisième… je voyais comment son regard portait sur moi, qui représentait une rare chance pour elle d’être avec un loup. Elle fit preuve de grande courtoisie pour la louve qui était en quatrième position et prit pour elle le troisième mâle. La louve, sans grand surprise, décida de me prendre, un sourire fendu jusqu’aux oreilles sur son museau. Elle s’assit derrière moi, m’enserra dans ses bras comme les autres faisaient avec leur compagnon. Pour les deux jours à venir, ma tâche consisterait à lui donner du plaisir, à elle et à celles avec qui elle allait me partager.

Elle était fertile. Je pouvais le sentir. Nul doute avait-elle choisit cette période de chasse pour coïncider, espérant bien faire, espérant que l’un des rares loups soit présent.

Puis le dernier mâle fut choisi. Certains couples restèrent ou ils étaient, d’autres se déplacèrent vers la forêt, mais la plupart choisirent de s’approcher des feux, d’utiliser les nattes posées sur le sol. Notre espèce étant ce qu’elle était, la louve voulait que les autres louves présentes voient à quel point elle leur était supérieure… et en cette chose, il me ferait plaisir de l’assister, de faire de cette rencontre de nos corps une vision excitante, frustrante pour celles qui n’avaient pas mérité une participation. Le lieu qu’elle choisit était parfait, à cet égard, exposé aux regards, illuminé par la lueur des deux feux.

De longues caresses, des baisers langoureux, une disposition de nos corps qui nous mettait en valeur. Elle était terriblement excitée. Il m’aurait probablement été possible de la faire jouir en une ou deux minutes… mais il était plus flatteur pour elle de faire comme si je devais la travailler, comme si elle avait bien plus de contrôle. Elle me soupira à l’oreille son appréciation pour cette attention.

À notre droite, à notre gauche, d’autres couples se caressaient, faisaient l’amour. Un cerf, à notre droite, montait une biche avec une vigueur enthousiaste. La biche, clairement heureuse de son choix, nous donnait un sourire embarrassé, car l’effort du cerf lui donnait des coups qui la forçaient à avancer ses mains de temps à autres, pour ne pas crouler sous le cerf, et elle empiétait sur notre natte. Cette vision attisait l’ardeur de ma louve, et je la sentais vibrer, pas très loin de l’orgasme. Elle ne pourrait durer longtemps, je le savais, alors…

Une embrassade, un bras autour de son corps, tiré solidement contre le mien. Ma main libre, entre ses jambes. Une de mes jambes, cachant. Un coup de grâce, livré en toute clandestinité, doucement. Je bougeais, l’embrassais férocement, afin de camoufler tout mouvement de sa part pouvant trahir son plaisir. Puis de longs lèchements langoureux, pour lui donner un peu de temps, pour l’accompagner sur l’autre versant, la laisser redescendre gentiment.

Un souffle dans mon coup. Le cerf, toujours en train de donner ses coups de butoir, pas du tout inconscient de cette invasion de notre territoire. Il avait les yeux sur nous, et il savait que nous le savions. Probablement excité d’être aussi près de loups, et se sachant en tout sécurité, car un prédateur ne pouvait faire proie des autres participants. Solidement Endoctriné. Faisait-il comme si ma louve était celle qu’il montait avec tant de vigueur?

Ma louve ria, lui prit le museau entre ses mains, et l’embrassa goulûment. Il souffla dur, lorsqu’elle le relâcha quelques instants, puis elle le prit à la gorge. Un instant il avait sa cadence de croisière, et l’autre il bougeait vite, violemment, éjaculant dans sa biche. Sa biche, qui avait tout vu, qui elle aussi était Endoctrinée aussi bien. Je lui donnai un sourire comme seul un loup pouvait donner, lichant mes babines avec un air carnassier. Je l’avais vu orgasmer au moins une fois sous l’assaut du cerf. Elle le fit encore, puissamment.

Des halètements, des soupirs, des petits cris. Les corps se calmant, s’écroulant sur le coté, la biche prisonnière volontaire des bras du cerf. Cela donna une idée à ma louve, qui alla se mettre en position classique au-dessus d’eux –n’étaient-ils pas sur notre territoire?- son sexe luisant en haut de leur tête, les genoux au sol et bien écartés, ses mains placées entre les jambes de l’autre couple. Les pointes des bois du cerf étaient menaçantes, mais nous pouvions lui faire confiance pour qu’il prenne garde. Elle me donna un regard invitant, sulfureux.

Notre croupe en direction des spectatrices nous regardant avec avidité, je pris grand soin de lever ma queue bien haut pour dévoiler mes lourdes couilles aux regards jaloux des deux louves qui ne pouvaient que me regarder monter la meilleure des louves ci présentes.

La louve était… serrée. Une surprise délicieuse, un peu douloureuse. Malgré sa grande lubricité, la pénétration était loin d’être aisée. Pire encore, elle était très forte, à l’intérieur, et possédait un contrôle sur ses muscles internes qui trahissaient une pratique courante d’exercices spécialisés…

Elle avait la tête tournée, me regardait avec un sourire narquois. Je lui donnai un sourire presque peiné en réponse. Cette soirée était la sienne. Clairement, elle voulait me voir, m’entendre me rendre à elle. Beaucoup plus encore, elle voulait que les autres s’en rendent compte. « Voyez comme je peux faire crier mon loup! Vous ne pouvez en faire autant!», tel était le message. Très bien… un abandon, délicieux, sans retenue.

Des grognements. Des halètements, lourds. Des cris, même. C’était bon, intense : elle me massait de l’intérieur, son corps rencontrant le mien, son dos arqué sous mon ventre… Je laissai libre court à mon corps. Elle joua de moi avec grande précision et expertise. Je m’attendais à un résultat rapide, mais elle me fit durer, assez longtemps pour que je devienne une bête, tel un de nos lointains ancêtre, et que je ne pense plus qu’à une seule chose…

Une chose qui arriva, éventuellement. Presque sans avertissement, violemment. Un maelström intense, qui était partagé. Je m’écoulais en elle, en son corps fertile, et elle savait qu’elle en serait enceinte. Combien de temps avait-elle été forcée d’attendre pour ce moment?

Plusieurs jours avec elle… on ne pouvait demander supplice plus délicieux. De longues minutes à haleter. Je léchais son museau, mordillais ses oreilles. Elle… me serrait, me massait doucement. Et puis elle me glissa hors d’elle, s’accroupit au dessus de nos plus proches spectateurs, que j’avais complètement oublié. Laissa couler d’elle nos essences mélangées, les marqua de notre odeur. Envahir le territoire d’un loup portait son prix…

Le Loup 5

 

ŠLE CERCLE BDSM 2006