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Histoires Des Invités

Le Journal de Jason, Chapître 9

Par Eïnar Pórshöfn

 

Le Phantasme Brisé:

La soirée ne se déroula pas comme je l’avais imaginée. Mes phantasmes de sadisme primaire, la chair des cuisses brûlées dont je sentais par avance l’odeur âcre de cochon rôti, la légère fumée bleuâtre que je voyais déjà s’élever du bas-ventre de Gaëlle, tout cela avait disparu dans les mondanités, comme si l’enfer envisagé avait laissé place à un roman d’amour pour jeune-fille rangée. J’étais dans un autre univers. Ne restait sur cette terre, dans ce salon, que Karim, deux amies de Gaëlle et moi. Apéritif, soirée dansante, tout respirait l’atmosphère bourgeoise et sans histoire -du moins sans histoire que la décence ne puisse entendre-.

Quelque chose ne tournait pas rond. Je rêve. Mais non. La preuve, c’est le cendrier en or massif qui attend sur la cheminée et destiné à payer le prix de la marchandise -le corps de Gaëlle- qu’elle avait acceptée de me vendre. Il me faut rompre le charme, briser le rêve. Il me faut interrompre cette soirée sans épice. Offrir publiquement les trente deniers -le prix exigé par Gaëlle- à celle qui me vendait son corps. Ce poids d’or me donnerait enfin le droit du propriétaire : « user et abuser » comme dit le code Napoléon en parlant de la propriété.

Je lui avais clairement évoqué au téléphone ce que recouvre dans mon esprit le mot « abuser » : davantage qu’un contrat de soumission, Gaëlle acceptait un contrat de vente. Elle me vendait son corps moyennant le paiement de trente deniers de l’époque romaine, c’est à dire environ un lingot d’or fin. De ce corps devenu ma propriété, je lui avais annoncé les premières tribulations : pour souligner le caractère commercial de notre transaction -et non pas son caractère purement psychologique comme l’est un contrat de soumission (ce point était essentiel, Gaëlle me l’avait souligné au téléphone)-, l’inscription au fer rougi à blanc marquerait définitivement la face intérieure de ses cuisses par des symboles monétaires : $ & € (dollar et euro), un sur chacune. Je n’avais pas réussi à me procurer à temps ces instruments de torture, mais mon imagination enflammée avait passé plus d’un quart d’heure pour savoir s’il convenait de placer la marque du dollar sur la cuisse droite ou sur la cuisse gauche. Pour ne pas rester stupide comme l’âne de Buridan mort de faim entre deux sacs d’avoine mis à sa disposition, j’avais finalement tiré à pile ou face cette décision : la cuisse droite recevra l’euro, la gauche le dollar.

L’absence des instruments idoines semblait avoir fait disparaître de mon esprit le désir que j’avais si longuement mûri. Certes le lingot d’or attendait sur la cheminée et le réchaud à gaz dans la cuisine, mais le cœur n’y était pas. La soirée se prolongeait doucement sans que je parvienne à mobiliser ma volonté. N’y tenant plus, je veux forcer le destin, provoquer l’irréparable. Comme le héros des Caves du Vatican, le roman d’André Gide, je veux me prouver que je suis libre. Non pas en faisant basculer sur le ballast un voyageur inoffensif et inconnu, sommeillant, en ouvrant subrepticement la porte du wagon de chemin de fer sur laquelle il était appuyé, mais en brusquant les choses.

Je prends une ample respiration et me jette dans l’eau que je pressens glaciale. Avec ma fourchette à gâteau je frappe sur mon verre pour signifier que quelque chose va se passer. J’ouvre la bouche, mais ne trouve pas mes mots. Finalement, je balbutie. « Vous avez été convié par Gaëlle pour être témoin de … » Je me racle la gorge, je rougis, je n’arrive pas à poursuivre. Finalement je me tais, rouge de honte. Avec une superbe assurance, Gaëlle relève le gant : « Je vous ai convié ce soir pour être témoin d’un contrat de vente. J’aperçois sur la cheminée de ce salon un petit paquet. Je parie qu’il s’agit là du prix convenu entre Jason et moi. Je lui cède mon corps dont il sera désormais le seul propriétaire en échange d’un lingot d’or dont la valeur est celui de trente deniers de l’époque romaine. » Les hôtes, Karim et les deux femmes, ne semblent pas être surpris. Gaëlle a dû leur expliquer le pourquoi de cette étrange soirée. Karim demande alors : « J’ai une idée assez précise de ce que Gaëlle, mon esclave, offre pour ce prix, son corps. Mais je désire voir et toucher la contrepartie. Jason, peux-tu nous montrer le paiement que Gaëlle accepte en échange ? »

Je ne sais pourquoi, mais je me sens de plus en plus gêné. N’avais-je pas rêvé de ce moment depuis longtemps ?! Cependant, pour essayer de faire bonne figure, je m’approche de la cheminée, saisi le paquet et le donne, non pas à Karim, mais à Gaëlle. Sans même l’ouvrir, Gaëlle le transmet à Karim qui, non sans quelque difficulté, le dépiaute pour en tirer le cendrier en or massif. Karim ne peut retenir un sifflement d’admiration ; il le soupèse, approche son œil, cherche le poinçon de l’orfèvre. Son examen dure plus d’une minute, puis transmet l’objet à l’une des femmes. Gaëlle s’adresse à moi : « Jason, tu as payé le prix demandé, mon corps t’appartient. Tu as souhaité que cette transaction commerciale soit authentifiée par deux marques indélébiles, $ et €, inscrite au fer rougi à blanc sur les faces internes de mes cuisses. Je suis prête ; fais de ta marchandise ce qu’il te plaira, car tu as acquis le droit d’en user et d’en abuser. »

Joignant le geste à la parole, Gaëlle s’approche de la table, se montre nue en soulevant sa jupe, pose ses fesses sur le bord de la table, allonge son dos sur la nappe puis écarte largement les jambes encore zébrées des coups de fouet que lui avait porté son maître Karim. Le dos collé à la table, le visage tourné vers le plafond, elle demande : « Quelqu’un voudrait-il bien me lier les chevilles au bas des pieds de la table et deux d’entre vous me tenir les genoux bien écartés, de manière à ce que la douleur ne me fasse pas gigoter. Les marques de mon propriétaire en seraient moins nettes… » Le visage cramoisi de honte je murmure : « Je n’ai pas les fers…, excusez-moi. » Moment de stupeur générale. Personne n’ouvre la bouche. Finalement Gaëlle se redresse et dit comme dans une liturgie dont les paroles sont attendues car connues de tous : « La marchandise n’a pas à dicter au propriétaire sa conduite ; mais une marchandise de qualité ne déçoit pas son acheteur. » Se dirigeant dans un coin sombre du salon, vers une console où elle avait entreposé discrètement un objet, elle saisit l’objet et revient. Se plantant devant moi, l’objet posé sur ses deux paumes tournée vers le haut dans un geste d’offrande, elle prononce à haute et intelligible voix : « Jason, nous sommes convenus qu’à chacune de nos rencontres, je te présenterai en offrande, rappel de ma condition de marchandise et de ta condition de propriétaire, ce fer d’une épaisseur de deux Centimètres, forgé en forme de ¥, symbole monétaire du Yen, la monnaie japonaise ; il rappelle la dimension commerciale de notre tractation actée devant trois témoins. Tu m’as annoncé qu’un jour tu décideras, comme par caprice, de t’en servir pour brûler ma chatte. Puisque tu as payé ce que je t’ai demandé, sens-toi désormais libre de laisser s’exprimer ton instinct de propriétaire sadique. »

Ces derniers mots me foudroyèrent. Je reste cloué sur place, incapable d’articuler une seule parole. Simplement, d’un geste de la main, je fais signe que non. Je me précipite vers le hall d’entrée, franchis la porte et fuis dans la nuit.

 

FIN

 

 

© THE BDSM CIRCLE - LE CERCLE BDSM 2018