Histoires Des Invités

 

Le Harem 7

Par Arkann

 

** Si les situations entre mâles ne vous intéressent absolument pas, vous pourriez vouloir passer ce nouveau chapitre car il en contient un peu. Ce chapitre demande aussi un esprit ouvert. D’ailleurs, je m’attends à ce que plusieurs n’aiment pas du tout ce chapitre. Il serait bon d’avoir lu « La Licorne / 1 » avant de lire ceci…**

Une frustration intense le faisait brûler de tous ses feux. Les membres de son harem le sentaient bien. Cela durait depuis maintenant plusieurs semaines. Le harem était tendu, car il était imprévisible, de mauvais poil. Déjà, l’une d’elles avait été bannie pour une offense modérée. Le harem avait sagement décidé de ne rien faire.

Le harem complotait, tentait de l’influencer, mais leur subtile magie ne semblait avoir aucun effet.

Comment? Comment faire?

Ses agents avaient été éliminés, un par un. Il était maintenant aveugle et sourd, ses magies contrées maintenant que son ennemi de toujours, cet ennemi qu’il avait appris à détester alors qu’ils étaient encore dans le ventre de leur mère, et plus tard lorsqu’ils se battaient pour le lait et le sang maternel, était conscient de ses agissements sur son territoire.

Une rage brûlante, impuissante. Nombre de fois il avait tenté de détruire son ennemi. Il travaillait sans relâche pour augmenter ses connaissances, sa puissance, mais… toujours, son ennemi perpétuel conservait son avantage sur son propre territoire.

Qui aurait crû que la magie de simples mortels pouvait être aussi puissante, particulièrement lorsque combinée à des objets fabriqués de matières aussi insignifiantes que l’acier et le bois?

L’humeur d’Aramis était sombre. Les colonnes de fumée s’échappant de ses naseaux, mêlées à de petites flammes, marquaient bien son état. Il marchait lentement dans la majestueuse salle du trône, les mains tenues derrière lui, pensant, cherchant…

Un cousin foulait le sol de ce monde qui était le fief d’Arkann. Seul la chance, l’inexpérience de ce cousin, et le réseau d’agents qu’avait Aramis pour espionner son frère, lui avaient permis de déceler la licorne.

Aveugle! Alors que le plus grand de tous les trésors gambadait avec insouciance dans le territoire de son ennemi!

Il fallait faire quelque-chose. Mais quoi?!?

Un coup de sabot, et une poterie sublimement belle d’une civilisation disparue était détruite à tout jamais. Il n’en tira même pas une parcelle de satisfaction.


**

Dans le monde réel, le corps assoupi d’Arkann éjaculait puissamment dans les draps propres de son lit, sur les fesses dénudées de Circé qui se frottait contre lui, elle aussi perdue dans ce rêve façonné par Arkann.

Dans le monde des rêves… Ils étaient dans une clairière, emplie de champs d’oiseaux, des bruits du ruisseau tout proche, des sons de la forêt ancestrale avec ses immenses séquoias. Des herbes bien grasses poussaient la ou le soleil arrivait à atteindre le sol, ainsi que des fleurs délicieuses aux papilles d’une licorne.

À l’orée du bois, assise au sol, dos confortablement accoté contre une grande roche, Circé regardait. Nue, la lumière diffuse du soleil donnant un ton cuivré à sa peau, elle se masturbait lentement, un peu épuisée, admirant le spectacle qui lui était offert. Un spectacle rare, qui l’avait maintenant fait jouir à trois reprises.

En plein milieu de la clairière, une licorne d’un blanc pur, à la crinière et à la queue d’un argenté éblouissant. Un étalon de 17 mains, peinant sous le poids d’un autre étalon, un monstre de 22 mains. De longues coulisses de sang d’un rouge vif maculaient le blanc éclatant, la ou Arkann l’avait mordu à la gorge. Avait bu de ce sang aphrodisiaque, magique.

Le membre de la licorne était exposé dans toute sa gloire, son pénis majestueux d’un rose presque blanc. De longues traînées collantes dégoulinaient vers le sol. Des traces humides au sol attestaient que l’étalon avait été contraint au plaisir à plus d’une reprise par celui qui était son maître. Il en portait aussi des traces sur sa courte fourrure, principalement au ventre et à l’arrière de ses membres antérieurs.

Arkann bougeait encore, vivement, vidant le contenu de ses lourdes couilles dans les profondeurs de la licorne. Des hennissements de plaisir, les flammes de ses sabots léchant les flancs de la licorne. Il sentait la fermeté de l’étalon sous son ventre, son étreinte serrée. Il le saillait, le dominait, le montait comme jamais avant il n’avait pu. Il était ivre du sang de la licorne, qu’il avait bu à satiété. Trop puissant. Trop intense.

Ses mouvements se calmèrent, la jouissance laissant place au simple plaisir, à une lassitude profonde, une ivresse douce.

Jamais Karann n’avait été aussi complaisant.

De longues minutes à savourer ce qui était sûrement un piège. Karann était sa création. Karann voulait la liberté, cherchait le contrôle du seul corps qu’il ne pourrait jamais voler. Il y avait trop d’Arkann dans Karann pour qu’Arkann puisse un jour lui faire quelque confiance que ce soit.

Il frotta son museau contre celui de la licorne, lui souffla fumée et flammes dans les oreilles, gentiment, pour le remercier de cette chevauchée exquise. Karann était épuisé. La magie de son espèce lui permettait de subir la morsure d’Arkann, mais ce n’était pas sans puiser dans ses énergies. Et puis, autant Arkann était ivre de son sang, autant le venin contenu dans la salive d’Arkann avait fait son effet.

Milikki, qui avait construit l’univers, avait créé l’espèce d’Arkann, sombre et mauvaise, pour l’espionnage et l’assassinat alors que les licornes étaient des créatures de guerre et de bonté. Deux espèces se ressemblant, mais opposées, se complémentant bien. Ils avait été créés pour être alliés naturels en temps de crise, mais incapable d’être ensemble une fois la crise passée. Deux espèces qui existaient, pour protéger toutes les autres contre l’ennemi de la vie.

« Je te remercie, Karann. La manière avec laquelle tu me serrais… »

La licorne ria doucement. « Les remerciements vont dans les deux directions. J’admets avoir beaucoup aimé. »

Arkann ne pu s’empêcher de s’imprimer plus profondément dans les profondeurs de celui qui était un ennemi encore plus dangereux qu’Aramis. Plus grand que la licorne, il était suffisamment bien monté sur lui pour serrer la croupe de Karann avec ses cuisses, ce qu’il fit, en donnant un autre coup de reins bien senti.

« Tu m’as beaucoup aidé, Karann. Il ne doit plus rester beaucoup d’agents à Aramis. »

« Il ne lui en reste aucun. »

« Avec Aramis, tu dois présumer qu’il lui reste toujours des agents. Et puis, il y a ses espionnes dans mon harem. » Il se retira un peu, puis frotta la tête aplatie de son membre contre ce point stratégique dans les profondeurs de l’étalon, ce qui le fit serrer les dents.

« Arkann, s’il te plaît. Assez. Je t’aide, je te laisse me monter. Que veux-tu de plus? »

« Depuis combien de temps t’ai-je créé? Jamais ne m’as-tu aidé. Et maintenant? » Une autre caresse, ferme, un peu cruelle. Il sentait comment l’autre étalon se préparait à bouger, et il le serra comme il faut de ses membres antérieurs, lui mordit une oreille.

« Sois une bonne jument. » Un coup de reins, pour lui causer un mélange de plaisir et de douleur difficile à distinguer l’une de l’autre.

« Un jour… » Karann commença avec hargne, puis mordit ses mots. Arkann savait. Un jour, la licorne prendrait le dessus, bannirait Arkann au monde des rêves… et en ferait usage comme Arkann avait fait usage de la licorne.

« C’est ça. Un jour. Ne me manque pas, Karann, car si tu me manques… moi je ne te manquerai pas. »

« Des menaces, à ton meilleur allié? Arkann, soit raisonnable. Nous les licornes sommes des créatures de bonté. Nous sommes cousins. Jamais je ne te ferais de mal. »

Une morsure cruelle, à l’autre oreille. Arkann adorait comment la licorne répondait à la douleur, comment il… serrait. Avec une licorne qui se guérissait automatiquement… on pouvait faire beaucoup.

« Tu as trop de moi en toi. Tu n’es pas une licorne, Karann. »

Karann donna un long soupir de désespoir, «  calomnies! Vous m’affligez, Ô Maître obscur! Comment vous convaincre que ces sombres dessins que vous m’assignez ne sont aucunement ceux de votre humble esclave?!? »

« Esclave? Toi? » Arkann était profondément amusé. Et il demeurait tout aussi aguiché, même après plusieurs éjaculations. Qui savait combien de temps passerait avant que la licorne ne le laisse le saillir à nouveau? Où quelles astuces seraient requises pour pouvoir le prendre ainsi contre son gré? 

« Maître! » L’appel à la clémence dans la voix étranglée de la licorne n’avait rien de feint.

Une longue morsure, sans boire du sang de la licorne, la salive venimeuse d’Arkann s’infiltrant dans le sang de l’étalon, faisant gémir la licorne d’un désir renouvelé…

« Pourquoi m’aides-tu, maintenant? Comment as-tu démasqué les espions d’Aramis sans que je le sache? Dis moi, convainc moi, et je débarquerai … » Il disait cela avec un amusement profond, donnant de profondes caresses, sachant très bien que l’autre ne révélerait rien… tenter de le faire avouer, de le supplicier de manière délectable, allait cependant être source de profonde satisfaction. Et le pauvre étalon n’avait plus rien dans ses couilles, allait connaître à nouveau les affres de longues éjaculations sèches…

Oubliée des deux mâles, Circé soupira de contentement.

**

Milène plaqua une main sur le dessus de la table, le souffle coupé, pâle, courbée vers l’avant.

Des mains sur ses épaules. On alla lui chercher un verre d’eau. Il y avait un peu d’appréhension dans l’air. Elle était enceinte de jumeaux, et même sa pire ennemie l’aurait aidée sans y penser. Les femmes du harem étaient anxieuses, mais il n’y avait pas grand-chose que personne ne puisse faire.

« Ils se battent encore. » Ce n’était pas une question, mais elle hocha de la tête aux paroles d’Astarté. L’accouchement allait se passer –tous l’espéraient- dans deux mois, mais les deux jumeaux cherchaient déjà à s’entretuer. Bien au chaud et à l’étroit dans son ventre, ils se menaient une guerre instinctive qu’aucun deux ne pouvait gagner ou perdre. Milène subissait chacun de leurs coups. Ils s’affrontaient dans le monde des rêves, leur pouvoir aiguisé très tôt par cette confrontation constante. Certaines disaient que c’était pour cela que les mâles étaient si puissants.

Elle attendit, subit la bataille, puis se redressa, caressant son ventre, souriant de manière fatiguée. Elle sentait comment ils la manipulaient instinctivement, et elle était incapable de leur résister. Même Arkann ne pouvait se glisser au travers de ses défenses aussi aisément qu’ils le faisaient.

« Ils vont être forts. »

« Oui. Oui ils vont l’être, » elle répondit, non sans fierté, et certaines craintes. Deux bouches à nourrir. Ils la videraient de son sang à coup de vilaines petites morsures, s’affrontant l’un l’autre pour l’accès à ses seins. Jaloux l’un de l’autre, requérant plus d’attention que l’autre, plus de lait, plus de sang, plus de tout… Cette tâche serait sienne, et aucune ne pouvait l’aider, partager cette tâche onéreuse et dangereuse. La première qui le tentait, elle lui ouvrirait la gorge. C’était une mesure de l’influence des jumeaux qu’elle refuserait cette aide apte à augmenter ses chances de survie.

« Arkann vient par ici, » Astarté l’avisa.

« Très bien. Je serai dans la bibliothèque. »

L’autre hocha de la tête et lui offrit un sourire peu caractéristique. Milène avait déjà tenté de tuer Arkann, sous l’influence des jumeaux. Une autre réaction instinctive. Arkann s’y était naturellement attendu –c’était normal avec une femme de leur espèce portant des jumeaux- mais les femmes du harem prenaient aussi peu de chances que possible, Milène toujours sous garde, escortée par un trio de femmes capables de la mater avec douceur.

Sous de telles conditions, il était presque surprenant qu’elle ait compris les motifs derrière les incursions d’Aramis sur ce monde. Presque. Pour un temps, son pouvoir déjà considérable était fortement augmenté par le fou mélange d’hormones coulant dans ses veines. Avec des jumeaux, une partie de l’effet serait permanent si elle arrivait à survivre. Elle avait suivi son intuition, avait eu assez de pouvoir –à peine- pour détecter la licorne.

Un étalon, jeune, pratiquement sans expérience, débonnaire, proie facile. Une licorne. Mâle de surcroît. Sa présence était brûlée dans son esprit. Elle pouvait dire avec précision ou il se trouvait.

Comment s’échapper du harem? Comment aller à lui, sans que le harem ne la retrouve… et lui avec? Et la plus grande question, comment le capturer? Jeune, sans expérience, débonnaire, proie facile… tout ça, mais on ne prenait pas une licorne comme on piégeait un lapin… et elle n’avait que deux mois.

**

« Bonsoir. »

« Bonsoir, Karann. Tu as l’air bien fatigué… »

Karann était assis sur une grosse roche, sous forme humaine. Il avait l’air tourmenté, comme s’il n’avait pas dormi depuis qu’Arkann l’avait laissé, il y avait maintenant une semaine. Il l’avait laissé après que la licorne ait tenté une attaque en règle, désespérée, féroce, pour prendre contrôle d’Arkann. Une attaque bien planifiée, prématurée. Il avait révélé des méthodes, sa connaissance, son pouvoir, et Arkann avait depuis colmaté les brèches. Ces failles, Karann n’arriverait plus jamais à les exploiter. Cette attaque… avait tout pour surprendre. Ce soir, Arkann comptait bien discipliner son alter ego.

« Arkann… je crains que tu n’aies raison. Je ne suis pas une licorne. Autant que je cherche à l’être, autant que je le désire… je sens… des côtés… qui ne sont pas de la bonne espèce. » Une admission qui semblait coûter, douloureuse.

Arkann était surpris. Un long moment de silence. Cette admission de Karann était inattendue, autant que l’attaque surprise prématurée l’avait été. Autant que l’aide de la licorne…

« Qu’est-ce qui se passe, Karann. »

Un long moment de silence. Puis, « une licorne –un étalon- est de passage. Je le sens. Il est jeune. Inexpérimenté. Malek est son nom. Sa garde est abaissée. Je le veux d’un désir encore plus brûlant que celui que tu as envers moi. Je veux l’asservir, assouvir mes passions avec lui. Je veux le dominer. Je le veux soumis. Je le veux désirant ma chaleur en lui. Je le veux de bien des manières. »

Karann avait une expression sombre, une voix pleine de passion, mais étrangement monocorde. Il regarda Arkann qui était sous le choc de cette annonce. « Je le veux. Il est à moi. Je cherchais à le protéger d’Aramis, qui est conscient de son existence, mais ne sait que peux de choses. Mais je le veux. Je le veux. Aucune licorne ne veut posséder une autre licorne contre son gré… mais moi… »

Une licorne… une vraie licorne… Arkann sentait ce besoin que Milikki avait forcé à son espèce, un besoin irrationnel qui permettait aux licornes de les manipuler, les forcer à coopérer lorsque leur besoin pour des alliés était grand.

« Ou se trouve t’il? »

Karann leva les yeux, une défiance profonde se lisant en eux. « Je ne trahirai pas un frère d’arme à moins que le prix ne soit particulièrement bon, » il affirma avec un sourire mauvais. « Tu peux peut-être le trouver, mais tu n’arriveras pas à le capturer sans mon aide. »

Un long moment de silence, puis, « tu es ma création, Karann. Je peux te faire parler, si je le veux. »

Le sourire de Karann était dur. « Tu peux me faire parler. Tu peux forcer ma coopération. Mais avant que tu n’y arrives, je l’aurai avisé de son péril, et tout sera perdu. Pour toi, comme pour moi. »

Un autre temps d’arrêt, Arkann considérant l’ensemble. Si c’était vrai… et il n’avait aucune raison d’en douter. Cela expliquait le comportement étrange de Karann.

« Nomme tes termes. »

Karann détourna son regard. La honte le rongeait. Il allait trahir une autre licorne. Jamais une licorne n’aurait fait une telle chose. La tristesse, profonde. Il n’était pas une licorne, même s’il voulait en être une plus que tout au monde. Il n’y avait qu’une chose plus importante… cet appétit, ce désir irrésistible, ce profond besoin. Ce besoin qu’il partageait avec Arkann, avec tous ceux de son espèce.

« Capturer une licorne n’est pas facile. Nous devrons combiner nos magies, travailler ensemble. Pour le capturer, tu devras me laisser prendre le contrôle de ton corps. »

La fureur envahit le visage d’Arkann à cette nouvelle. « C’était donc ça ton plan. Me faire croire qu’il y a vraiment une licorne, afin de me voler mon corps, me reléguer au rang de simple passager. Une licorne, leurre irrésistible- »

Arkann aurait dit plus, mais Karann lui laissa voir, sentir, « connaître » la licorne. Une preuve irréfutable, partagée, qui laissa Arkann frémissant de désir. Une vraie licorne, de chair et de sang, et non une création magistrale comme Karann.

La connexion fut brève, pas assez longue pour qu’Arkann puisse le retracer. Pas que cela ne changea rien : au premier signe qu’Arkann faisait cavalier seul, Karann l’aviserait, et la licorne s’échapperait. La même chose arriverait si Arkann tentait de frapper Karann, de l’empêcher de communiquer.

« Il va falloir trouver une autre manière, » Arkann affirma, les dents serrées.

Karann lui donna un sourire retors. « Il n’y en a pas. Y en aurait-il que je ne coopèrerais pas. Tu me demandes de trahir une licorne. Je ne le ferai pas sans avoir la certitude que je vais en profiter au maximum. Tu dois te demander à quel point tu désires asservir une vraie licorne, savoir jusqu’où tu es prêt à aller. » Le sourire de Karann s’élargit encore. Il savait à quel point Arkann était génétiquement fait pour ne pouvoir résister à l’attrait d’une licorne. Mâle ou femelle, ça n’avait aucune importance.

Arkann bouillonnait. Il sentait à quel point le prix à payer allait être lourd. À quel point Karann avait du levier.

« Peu importe l’entente finale, elle ne sera valide que si cette licorne m’appartient… et pour la durée de captivité de cette licorne, » il dit d’une voix distante. Il était difficile de capturer une licorne… et pratiquement impossible de la garder captive plus qu’un temps. Sept cent un jours, c’était le record absolu.

Karann sourit. Les négociations commençaient.


**

Une apparence de chaos régnait au travers du harem, même si la fébrilité urgente était bien dirigée. Personne ne savait pourquoi. Arkann avait énoncé des directives précises, fermes, et avait signifié en des termes qu’on ne pouvait plus clairs qu’il ne tolèrerait aucune dissidence, aucun retard.

Il avait fourni un minimum d’explication, et la plupart des projets portaient sur des magies complexes… mais incomplètes. Clairement, Arkann ne voulait pas que l’on devine ses buts, gardait les clefs Maîtresses pour lui-même. La spéculation était grande.

Arkann était enfermé dans sa forge, seul, et travaillait d’arrache-pied, à l’épuisement.

Personne ne savait ce qui se tramait… sauf Milène, qui avait deviné ce que devait être la raison pour ce branle-bas de combat intense. Arkann était au courant pour la licorne. Une mauvaise chose, mais pas une surprise. Le réseau de ses agents avait été démantelé ou absorbé depuis qu’il avait été forcé de tout avouer, mais il demeurait un mâle puissant et plein de ressources. Déjà, Milène avait l’intention de tirer parti de cette situation. Arkann travaillait certainement sur une manière de garder prisonnier la licorne. Si elle arrivait à tuer Arkann après coup, tout le travail aurait été fait.

Elle était profondément consciente de l’énormité du geste qu’elle planifiait, savait combien elle aurait été atterrée d’une telle pensée, mais l’influence des jumeaux était puissante, avait altéré sa vision des choses, et elle embrassait totalement leurs objectifs meurtriers. Une part d’elle-même hurlait, tenait de reprendre le contrôle, de révéler ses plans, mais cette part était muselée, impuissante, forcée d’observer.


**

Les ombres dansaient au gré des flammes brûlant dans le foyer, l’odeur du bois sec en feu répandant sa plaisante odeur dans la librairie personnelle de l’homme, assis à son bureau d’acajou massif. La lumière offerte par un soleil mourant n’était pas suffisante pour écrire, et la lueur du feu n’était pas assez forte. Un humain normal aurait requis la lumière d’une chandelle ou d’une lampe, mais il pouvait aisément s’en passer.

Il écrivait dans son manuscrit, comme Arkann le faisait tous les soirs depuis son plus jeune age, décrivant une journée… historique. Il n’omettait aucun détail. Il savait qu’il se relirait un jour, que ce nouveau chapitre de sa vie était probablement le plus important de tous. Son parcours était étrange. Il voulait savourer chaque instant.

Il prenait grand soin de sa calligraphie, écrivant en un code que lui seul pouvait décrypter, dans une langue bien vivante… mais inconnu de son principal ennemi. Il était amusé, profondément heureux, et tout lui semblait si puissant… un moment de découverte qui durerait aussi longtemps qu’il le pourrait.

Il écrivit au sujet de cette longue journée, une longue journée de dur labeur dans sa forge, de magie épuisante. Cela faisait maintenant six jours qu’il travaillait sans relâche. Mais que de satisfaction! Il avait tourné dans ses mains la pièce la plus importante, la plus complexe. Un frein d’or, ciselé de minuscules scènes recevant la magie. La magie des femmes du harem, d’Arkann.

Satisfait, il avait complété l’ensemble, jusqu’à ce que la bride entière soit assemblée. Le plus difficile allait être de mettre cette bride en place, mais sa magie la rendait versatile. Elle s’adapterait aux formes de la licorne, qu’il soit sous forme humaine, bipède, ou quadrupède. Avec cette bride, la licorne ne pourrait aucunement résister, au moins pour un temps. Les femmes du harem, sans le savoir, pensant créer de nouvelles magies, avaient ravivées les sortilèges qu’Arkann avait prévu pour un jour garder captif une Licorne, ou son frère jumeau.

Et pourtant, la promesse de la capture d’une licorne, une _vraie_ licorne, pâlissait presque lorsque comparée aux excès sybaritiques de cette journée nouvelle. Il écrivit, pendant de longues pages, au sujet de cette journée inoubliable, sensuelle, ou même la douleur était une sensation bienvenue. Jamais il ne c’était senti aussi vivant, aussi bien. Il n’omit aucun détail.

Il portait des pantalons et une tunique noire, brodée de fil d’argent, qui descendait jusqu'à mi-cuisse. Légère, douce, cette tunique était un cadeau du harem, et la magie qui l’animait était subtile, presque cachée. Un cadeau très légèrement empoisonné par celles qui étaient ses mercenaires, ses compagnes, ses amies, ses ennemies. Le battement accéléré de son cœur, le désir qui croissait, très légèrement accentué par l’effet de la tunique, étaient autant de signes l’avisant qu’il était temps de conclure le résumé de sa journée. Il prit son temps, résistant au désir discrètement affirmé du harem.

Et puis il atteignit le moment. Il nettoya sa plume, et boucha le pot d’encre. Il attendit quelques instants que l’encre finisse de sécher, puis referma le livre, caressant la couverture de cuir, les ferrures en laiton protégeant les coins. Un rituel maintes fois consommé au travers des siècles. Les livres qu’il utilisait étaient des cadeaux du harem, des cadeaux dangereux, car il arrivait parfois que les fourbes demoiselles du harem, en quête de secrets, glissent un tome possédant la plus fine magie, espérant celle-ci indétectable. Il adorait utiliser de telles armes contre elles, donnant de faux secrets, de fausses informations, mélangées avec suffisamment de vérité pour être crédible. Ce petit jeu avait gardé Arkann éveillé, l’avait toujours gardé vivant, et dans ce jeu de chat et de souris, il n’avait pas toujours tenu le rôle du chat.

Vivant! Il se sentait si vivant, allègre!

Il mit le manuscrit dans l’étagère appropriée, caressant le bois richement veiné, prenant plaisir en la connaissance que son antre était doté des plus belles choses que ce monde pouvait offrir. Il aimait le bois, il aimait les métaux. Il aimait les choses bien faites, sans dorures, sans fioritures. Pour lui, la simplicité avait une élégance qui lui était propre.

Il se versa un verre de porto, mit le bouchon de cristal sur le décanteur, et alla sur son balcon pour admirer les dernières lueurs orangées provenant du soleil se couchant derrière les montagnes. À cette période de l’année, le vent du désert emplissait le ciel de fines particules de poussière, ce qui lui procurait une coloration vive; des rouges, des jaunes et des oranges dont il ne pouvait se lasser.

Sirotant le meilleur porto que l’argent puisse acheter, il admira ce spectacle de la nature aussi longtemps qu’il le pu, savourant avec extase chaque gorgée qu’il prenait. Et puis il se résigna, ferma les portes du balcon, et activa ses sortilèges les plus mortels avant de sortir de l’antre ou lui seul avait le droit d’entrer. La porte il barra à doubles tours, cette protection destinée aux simples mortels le servant lui et ses compagnes, afin de préserver leur vie des défenses mortelles de son bureau. Comme si la meilleure des serrures pouvait arrêter l’une des douces demoiselles de son harem.

Et puis il tourna sur lui-même avec un sourire espiègle, fit face à son harem pour la première fois. Elles étaient toutes la. Elles ne se doutaient de rien, n’avaient aucune idée. Il sentit un frémissement d’inquiétude pour aller avec le désir et l’excitation, tel un coup de fouet sur son dos. Il était plus puissant que n’importe trois d’entre elles, mais il savait bien qu’elles étaient trop nombreuses. Arkann avait perdu contrôle du harem par le passé, plusieurs fois, et seuls une certaine discipline et ses tactiques de diviser pour régner lui avaient de demeurer le maître de sa destinée.

Il pouvait sentir le ressentiment, la jalousie, le désir qu’elles avaient toutes, bien ancrées en elle. Si elles étaient ici, en exil, forcées à assumer une forme humaine, c’était de la faute d’Arkann. Il n’avait aucun contrôle sur le fait que les males de leur espèce étaient extrêmement rares, mais ça ne les empêchait pas de le blâmer pour autant. Elles détestaient le pouvoir qu’il avait sur elles, le fait qu’il pouvait les bannir de son harem, que celles qui n’acceptaient pas sa main pouvaient se voir rejetées, retournées parmi les multitudes cherchant une position dans l‘un des trop rares harems. Elles étaient conscientes de la centaine d’auxiliaires le servant, postées aux frontières du harem, attendant leur chance avec impatience, prêtes à jurer tout ce qu’il voulait pour prendre la place de l’une de ses compagnes.

Il était extrêmement rare qu’il utilise le bannissement comme punition, car il ne connaissait pas de meilleure manière pour unifier le harem contre lui que l’usage abusif de cette punition extrême.

Elles étaient la, dans la vaste librairie contenant les œuvres les plus précieuses et rares que ce monde pouvait assembler. Elles faisaient semblant d’étudier, de lire, de vaquer à leurs occupations.

Circé, était la plus proche. Elle lui souriait. Elle avait eu beaucoup de temps pour elle, ces dernières semaines, et elle savait que, ce soir, ce ne serait pas elle. Pour un peu, il l’aurait choisie. Souvent, dans le monde des rêves, elle l’avait tourmenté, l’avait forcé à plier pour obtenir une dose de plaisir, et il voulait avoir une dose de revanche sur elle, lui apprendre certaines choses qu’elle lui avait appris.

Pas ce soir.

Son regard captura les formes désirables de la plus tendre des femmes de son harem. Aurore, fille de la fourbe Aurélie. Il brûlait de désir pour elle, désirait planter son pénis brûlant dans les profondeurs de son vagin, voulait la soulager de cet hymen si tendre. Déflorer une femme, lors de sa première vraie relation sexuelle… n’aurait-ce pas été la plus exquise des manières de commencer sa vie? Elle était vêtue de blanc, d’un blanc si éclatant, si provoquant… C’était une délicieuse torture, une frustration qu’il savourait pleinement.

Elle se détourna pour cacher sa colère lorsqu’elle comprit que son heure n’était pas encore venue. Elle se leva et quitta la pièce d’un pas rageur lorsqu’elle entendit le murmure d’amusement provenant de ses consoeurs. Il y avait des paris sur combien de temps encore il la ferait attendre. Toutes étaient passées par la, dans leur temps.

Son regard porta sur plusieurs autres, jouant avec leurs espoirs, les faisant toutes languir. Son choix, ultimement, se porta sur une femme aux cheveux bruns et aux yeux d’un vert émeraude dans lesquels il pouvait se perdre. Un teint basané. Elle avait pris les traits qu’aimaient tant voir les sultans de Kamarr dans leur harem. Fine, grande, en apparence délicate. Elle portait parfois un voile diaphane qui mettait ses yeux, ses fins sourcils en valeur. Elle était élancée, belle… et fougueuse. De toutes ses dames, elle était la plus dangereuse. Milène.

Milène, qui était lourdement enceinte, arrondie de manière si plaisante, si aguichante. Milène, qui avait trois gardes. Milène, qui le tuerait, ou le tenterait, s’il lui laissait la moindre chance. Il pouvait entendre le chant malin des jumeaux chuchotant à son esprit, inspirant malice et trahison.

Arkann l’avait mise enceinte. Il n’avait été que spectateur. Pour une raison qui lui échappait –peut-être était-ce une propriété des licornes-, il la voulait, elle, plus que toutes les autres. Elle qui portait sa progéniture.

Les yeux émeraude de Milène contenaient tant à la fois. Ce très fort désir de se voir pénétrée par lui, la fureur des jumeaux à cette idée, leur désir de voir son sang couler. Elle frissonnait, déchirée entre le désir et la méchanceté. Ses yeux brûlaient, et Karann était comme prisonnier, son corps s’approchant jusqu’à ce qu’une des gardes, inquiète, attire son attention, avec ses hésitations.

Il se ressaisit. « Viens avec moi, Milène. » Puis, aux gardes. « Vous pouvez la laisser aller seul. » Il avait une confiance totale. La prochaine licorne qui mourrait assassinée serait la première.

Milène dressa le menton. « Tu mourras, Arkann. Mais je serai gentille : tu mourras en connaissant le plaisir. » Il y avait un tel désir dans sa voix, une telle promesse, une profonde certitude… il en eut un frisson délicieux. Il connaissait la peur, la savourait. Pour la première fois de sa vie.

Il la prit doucement par un coude. Le harem était inquiet, mais il connaissait déjà le plan de Milène. Il savait, tout simplement. Elle avait espéré qu’Arkann vienne à elle, un soir, et elle portait un dentata, profondément enfoncé dans son vagin, un aiguillon à l’intérieur d’un tube, enduit du seul poison capable de tuer un membre de leur espèce. Une magie indécelable l’animait, lui laissait le porter sans danger pour elle. Au moment opportun…

Dans le fond de son esprit, il sentait combien le vrai Arkann était horrifié. Il se serait fait avoir, alors que Karann n’aurait aucun problème à déjouer cette tentative. Un jour par semaine. Tel était le résultat des négociations entre Karann et Arkann. Un jour par semaine de vie, de vraie vie, tant que durerait la capture de la licorne. Un jour, Karann prendrait contrôle, de manière permanente. Un jour.

Il mena Milène à ses quartiers, l’embrassa, la dévêtit lentement. Savourant chaque instant, la dévorant des yeux, la caressant, prenant soin d’elle. Milène paraissait troublée. « Tu es tendre, ce soir… »

« Tu es enceinte. »

« Je l’étais déjà, il y a trois semaines. Et tu étais… vigoureux. »

Il ne lui répondit pas, se dévêtit. Et Milène haussa un sourcil. Arkann s’attendait souvent à ce qu’on le stimule, d’une quelconque façon, alors qu’au moment présent, Arkann était en un état d’érection… impressionnant. Il sentait la présence du harem au travers du monde des rêves.

« Un petit jeu, Milène. Traite moi comme un puceau. Sois douce. »

Elle lui offrit un sourire espiègle. Le poussa doucement au lit, prit l’initiative, le faisant se mettre sur le dos. La vraie Milène, présente pour un temps.

Quoi de plus excitant que d’être au lit avec une femme attirante qui voulait vous donner une fin heureuse? Et ce, lors de sa première vraie rencontre intime… il en frissonnait de plaisir.

 

ŠLE CERCLE BDSM 2012